L’inflation mondiale en 2008 ou «la fin du bon temps»

 

22-03-2008

Personne ne veut prendre de ton alarmiste. L’inflation signe son grand retour mondial 25 ans après. Elle est immédiate et les solutions lointaines.

 

Si les analystes se préoccupaient de voir l’année 2008 être gangrénée par la crise des subprimes, ils devront revoir la hiérarchie de leurs appréhensions : 2008, c’est maintenant certain, sera l’année du grand retour de l’inflation. Le mécanisme est simple : la mondialisation a fait circuler de la déflation par-dessus les continents, ces vingt dernières années, en faisant profiter les riches des faibles coûts des moins riches. Le tapis roulant s’est retourné. Une partie importante de la planète exporte de l’inflation dans des matières premières et des intrants qui lui reviennent en produits finis plus chers. « La mondialisation est devenue un facteur d’accélération des prix en diffusant la flambée des matières premières » admettent désormais les banquiers centraux américains et européens, réunis la semaine dernière à Paris : « le bon temps » de l’économie planétaire est terminé. Certaines contrées ne savaient pas qu’il avait existé. Il faudra faire avec. La complication est que l’inflation revient dans une forme et par des canaux « non conventionnels ». Et surtout qu’elle est là au moment ou les places financières suffoquent sous le manque de liquidités pour cause de crise des impayés de l’immobilier américain. Scénario de freinage en courbe sur sol mouillé.

«Des réponses à long terme» Mettons nous d’accord sur le constat. L’inflation est bien en hausse dans les deux principales aires de production de richesses du monde : les Etats unis et l’Union européenne. 3,2% en Europe, nettement au dessus des 2% que tolère la BCE, et 3,7% aux Etats Unis un record sur les 17 dernières années en glissement annuel de janvier à janvier. Le reste du monde arrive. L’OCDE a désappris à traiter avec un tel risque inflationniste. Les pays du sud, compressés par des plans d’ajustements, aussi. Le consensus de Washington est passé par là. Comme la dissuasion nucléaire, il a apporté une « paix forcée » sur le front des prix. Une génération entière de commissaires politiques à l’émission de monnaie a grandi avec les mains sur le nœud de M2, cette tranche de masse monétaire qui ne doit jamais évoluer plus vite que la croissance réelle. La riposte en 2008 paraît courte en recettes.

Le capitalisme mondial de l’après Keynes a trouvé, avec les dérégulations du marché du travail, la parade pour ne plus subir l’inflation par les coûts salariaux. Il lui faudra inventer une réponse à la hausse circulatoire des prix par la rareté des matières premières.  Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du FMI, en convenait en marge de la réunion à Ouagadougou avec les chefs d’Etat de l’UEMOA : il a considéré que la hausse de prix, à l’origine de manifestations violentes au Burkina à la veille de son arrivée, était un phénomène mondial auquel « il faut plutôt (apporter) des réponses à long terme ». Le capitalisme mondial de l’après Keynes a trouvé, avec les dérégulations du marché du travail, la parade pour ne plus subir l’inflation par les coûts salariaux. Il lui faudra inventer une réponse à la hausse circulatoire des prix par la rareté des matières premières. Et, d’abord, celle, tendancielle, du pétrole dont le FMI a lui-même sous-estimé l’incidence prix. Il avait prévu un prix moyen du baril à 75 dollars pour l’année 2008, et admet cette semaine le chiffre de 100 dollars comme plus probable.

  Apprendre à conjuguer croissance et inflation La mobilisation contre l’inflation mondialisée devra donc être planétaire, conviennent les décideurs. Oui mais comment ? La FED a décidé que fournir Wall Street en liquidités fraîches était l’urgence du moment. Elle a accéléré le dévissage du dollar et la montée du prix du baril. Mais, dans le même temps, si personne ne venait contrer la récession qui se profile, tout le monde y perdrait. Les pays exportateurs de produits de base hors hydrocarbures, comme une partie des pays africains, laisseraient un demi point de croissance sur le chemin dans un scénario de ralentissement de un point de l’activité mondiale (source FMI). L’inflation du nouveau millénaire est fille de l’hyper-croissance asiatique et des autres pays émergents. L’inflation circulatoire va-t-elle accélérer le ralentissement et ralentir la demande effrénée de produits de base ? Pas un économiste ne croit vraiment en un tel retournement par lui-même. Croissance et inflation sont parties pour marcher ensemble. Très longtemps. C’est ce que les nantis appellent « la fin du bon temps ».

Par Ihsane El Kadi, Alger
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